PLAYLIST DE
idir davaine
peintre

PARIS
@idirdavaine
profil @ ketabi bourdet

“ La musique m’a permis de démystifier la peinture, et abandonner l’idée obligatoire du geste parfait. 

J’ai une relation assez simple et naturelle avec la musique. Je n’ai jamais cherché à l’historiciser ou autres, comme je peux régulièrement le faire avec la peinture, des courants ou des artistes que j’apprécie. 

La musique est un plaisir très simple, immédiat et facile. Ce n’est pas du tout un rapport intellectuel. J’écoute de la musique comme je mange, il faut que ce soit bon. C’est au final très naïf comme approche. 

J’écoute des albums plutôt que des playlists.
J’aime le concept de l’album. Je trouve que les playlists ont souvent quelque chose d’écoeurant. 

La chanson pour moi, c’est l’album. Le style de musique que je choisis va dépendre de mon besoin, ou non, de concentration et d’application dans ma séance du jour. 

J’ai remarqué que chaque mois de l’année est associé de façon très forte à certains albums. Je n’en ai même pas conscience, mais je vais associer tel artiste ou tel album, a tel mois de l’année. Donc j’ai beaucoup de ré-écoutes. Plus que de découvertes.
J’ai aussi la faculté de faire des obsessions sur une chanson ou un album lorsqu’ils m’ont vraiment marqué. Ça peut-être écouter une chanson en boucle pendant plusieurs heures, ou écouter un album deux fois par jour disons, pendant un mois. 

Je pense que j’associe la musique au temps en fait. Les mois sont isolés et identifiés selon des températures, des atmosphères et une lumière.
Du coup, je les associe à des artistes ou des albums.
J’ai réalisé que j’écoutais les albums au moment de l’année ou je les ai découverts. Si j’ai découvert un album au mois d’Avril, je vais naturellement toujours me replonger dedans, inconsciemment, au mois d’Avril. 

J’ai grandi en banlieue Sud de Paris donc la musique qui m’est venue naturellement est le Rap, notamment avec la radio Skyrock. Quand je suis arrivé en école d’Arts, j’avais un peu honte d’écouter du Rap car j’avais l’impression que c’était en décalage par rapport à ce milieu social et culturel. Alors j’ai un peu délaissé cette musique la peut-être pour faciliter un peu mon intégration. Puis en 2010, le Rap Français est devenue un peu plus “mainstream” et ça m’a permis de me replonger dedans à fond en ayant moins honte, et en assumant un peu plus. Le fait qu’ensuite j’en ai ré-écouté pendant 10 ans, fait qu’aujourd’hui j’ai un peu moins d’appétit pour les nouveautés Rap et un peu plus de curiosité et d’attirance pour d’autres styles musicaux. Ce qui correspond assez à la nouvelle phase créative dans laquelle je suis en ce moment par rapport à mes oeuvres. 

Je suis passé récemment à la peinture à l’huile. C’est un peu comme apprendre un nouvel instrument de musique disons. Je réalise des gestes assez minutieux dans mon travail. Ils sont parfois faits avec de grands outils, mais ça reste des gestes très lents. Du coup, la musique peut-être en décalage total parfois avec ce qu’il se passe à l’atelier. Souvent, pour moi, il n’y a pas de corrélation entre les deux. Je peux avoir un vacarme extérieur qui me permet d’être dans une concentration intérieure très forte et faire des choses très calmes.

Pendant longtemps, j’avais une vision très rigoureuse de l’accomplissement du geste d’un peintre et de ce que devait être la peinture. Ça exigeait de moi, que toute mon attention soit dédiée et concentrée sur ma toile. Je pensais que toute écoute extérieure serait une perturbation sur la justesse de mon geste; et du coup, je n’écoutais pas de musique. Je me le refusais. Parfois, j’en avais le désir mais je m’en empêchais. Ensuite, j’ai eu une période ou je faisais des toiles avec très peu de gestes et de couleurs. Le support de la toile était très visible. Si je ratais un trait ou un mouvement - alors que ce que je faisais était très figuratif - j’avais l’impression que la toile était souillée, et qu’il fallait que je la jette. Donc ça créait chez moi un moment de trac, car c’est pas mal de travail pour installer et tendre une toile avec un chassis. Surtout que ça coute cher et que je n’avais pas un rond à l’époque.


A ce moment la, j’ai commencé à écouter de la musique, mais seulement des sons que je connaissais par coeur et qui étaient très réconfortants pour moi. Et en boucle, toute la journée. Ça me permettait de faire abstraction de tout le reste, de me mettre en confiance avec mon écoute et d’acquérir la concentration nécéssaire pour réaliser ces gestes. Et c’est comme ça que j’ai vraiment commencé à écouter de la musique en travaillant.